mardi 4 février 2014

Tasmanie, première partie

On avait arrêté le dernier article, alors, que, tout fraîchement débarqués en Tasmanie, se posait une question assez récurrente pour des backpackers : allions-nous y trouver du boulot ?


       Le ferry que nous avons pris pour venir ici 

Tout le monde nous avait déconseillé de venir ici à cette période, parce que la concurrence y est trop rude pendant l’été. En même temps, il y fait un peu froid le reste du temps. Et si vous pouvez passer un an dans un pays en vous arrangeant pour avoir tout le temps du soleil, je vous garantis que vous revoyez votre itinéraire à plusieurs fois pour être à peu près sûr d’être bronzé toute l’année. Et puis, passer l’été en Tasmanie, c’est aussi éviter les grosses canicules un peu partout ailleurs.

On n’a pas étudié la question trop longtemps pour dire vrai. On s’est dit, que, si on ne trouvait pas de boulot, ce n’était pas très grave, on visiterait avant de rentrer sur le main land (enfin, le reste de l’Australie quoi).

Au final, à peine le temps de poser nos valises –c’est une image, à peine le temps de poser nos véhicules conviendrait mieux- et de passer quelques coups de fil qu’une ferme nous attendait dans le nord de la Tasmanie.

Une ferme à cerises, pour changer. On aura au moins fait durer la saison des cerises au maximum avant de se résigner à l’idée qu’il faudrait un jour passer à autre chose.

Rdv donc trois jours après notre arrivée sur l’île pour une « induction ». L’induction, c’est le terme qui en gros veut dire : on vous prend pour des cons, pas capables de penser aux trucs élémentaires tels que « quelle tenue dois-je porter pour travailler dans les champs » « faut-il mieux mettre de la crème solaire ou emporter son parapluie dans les cerisiers les jours où il fait trop chaud »… ce genre de trucs, qui, d’après les gérants de la ferme, nécessitent que tu te pointes deux jours avant que la cueillette ne commence. Tout est fait pour bien te faire comprendre que seuls les initiés passés par l’induction sont autorisés à mettre un pied dans les champs. On vous rappelle par exemple, au cas où vraiment vous soyez très très cons, qu’il est formellement interdit d’embarquer de votre propre initiative enfants, frères ou sœurs pour vous aider à remplir vos paniers. Seules les personnes ayant reçues l’induction sont autorisées à pénétrer dans le sanctuaire des cerisiers.

Je vous passerai les détails techniques sur les cerises, vous commencez à connaître.

Par contre, les pratiques des superviseurs de cette ferme restent encore pour moi très inspirantes pour ce blog… A chaque ferme ses mœurs. Après avoir bossé dans des fermes à escrocs, puis dans des fermes super cool ambiance colonie de vacances, nouveau style, on est arrivé dans la ferme-armée.

Premier jour, 5 heures 25 du matin. 100 travailleurs prêts à en découdre avec les cerises. Big boss nous rassemble tous, nous fait son petit speech de bienvenue et nous fait répartir en plusieurs groupes. Chaque groupe est géré par un superviseur. Déjà, c’était la première fois qu’on allait se retrouver en permanence avec un superviseur sur le dos. Ca risquait de nous perturber dans nos petites habitudes. On sentait bien qu’une nouvelle ère s’ouvrait. La musique à fond dans les champs, les batailles de cerises, les concours de chant, les mille et une techniques pour faire croire qu’on était parfaitement passé partout dans l’arbre et qu’on n’avait oublié aucune cerise… On sentait bien que tout ça appartenait au passé. On a tout de suite su qu’avec notre superviseur, ça n’allait pas être ambiance grosse marrade.

Premier fait d’œuvre : nous faire tous aligner pour vérifier qu’on avait bien coupé nos ongles comme demandé lors de l’induction. Ca augurait bien pour la suite…


Vu qu’on avait tout le temps quelqu’un sur le dos, plus possible de se faire des séances photos dans les arbres. Du coup, j’illustre cette partie de l’article avec la seule photo de cerises que j’ai sous la main. Il s’agit des cerises qui nous servent de désodorisant dans le van, ce qui n’a aucun rapport, j’en conviens. En plus, pour être honnête, la fragrance n’est franchement pas terrible.

Dans cette ferme, toute l’équipe d’encadrement semblait n’avoir qu’une mission : feindre d’avoir de l’autorité pour ne pas se laisser marcher dessus par les backpackers. Pour ça, les superviseurs passaient leur temps à nous menacer de nous mettre des avertissements pour tout et n’importe quoi et de nous virer au bout de trois avertissements : si on remplissait nos paniers de cerises pas assez mûres, ou alors si on avait trop de cerises abîmées sur le lot, si on oubliait de détacher deux cerises accrochées l’une à l’autre…  Je crois qu’ils nous prenaient pour des gamins à éduquer.

Tout ce qui permettait d’aller vite et donc de faire plein de paniers était strictement prohibé. Il ne fallait pas se contenter de jeter un coup d’œil rapide à la cerise qu’on venait de détacher, mais vérifier si sa couleur était conforme avant de la tourner dans tous les sens pour vérifier qu’elle n’ait aucun défaut…

Pour qu’on comprenne bien que ça rigolait pas, ils ont même affecté une personne chargée exclusivement de vérifier nos paniers devant nous, avec des tâches très précises : noter le nombre exactes de cerises abîmées / pas détachées / trop rouges … de chaque panier contrôlé et faire des stats sur ça. Honnêtement, j’étais surtout très peinée pour cette personne. Etre obligé de faire CA ?? Toute la journée !

Les journées s’écoulaient donc dans cette ambiance des plus harmonieuses. Pour en rajouter une couche, chaque jour, à 5H30, 9H15 et 12H30 précises, nous avions droit au discours du big boss, le même discours répété inlassablement trois fois par jour. Un mélange de fausses félicitations pour les tonnes que nous avions ramassées la veille et de rappel des règles, toujours les mêmes, au cas où on les aurait oubliées en route.

Pour vous montrer un peu la haute estime et la confiance qu’ils avaient en nous, petite photo d’un texte trouvé sur la ferme.


Quoiqu’il en soit, on gagnait tout de même pas mal de sous, on a réussi à aller de plus en plus vite et se rapprocher des meilleurs. Tout allait donc pour le mieux malgré les quelques légères réserves mentionnées au-dessus. On se disait que toute leur histoire d’avertissements n’était que du vent, que jamais ils ne vireraient quelqu’un pour de vrai (ah ah !!)

Et bien, avant dernier jour de travail, 7 heures du matin. Le superviseur me fixe bizarrement depuis un moment avant de s’avancer vers moi. « Dis moi, tu fais tomber tes cerises trop lourdement dans ton panier. Ca fait 3 fois que je te le dis. Tu es virée. » Là, je crois que j’étais partagée entre l’envie de rire et de pleurer. 
Je n'ai pas réussi à avoir un avis tranché sur l'attitude à adopter, mais ce n'est pas très grave, vu que  j’ai pu réaliser un énorme fantasme : prononcer en contexte la phrase « What ? Are you kidding me ? » 

Je remercierai le superviseur pour ça, jusqu’à la fin de mes jours. Des années que j’entends cette phrase dans toutes les séries en VO qui me passent sous la main, des années que je rêve de ce moment où je pourrais à mon tour la prononcer.  Un peu comme si, ce jour-là, je me sentirais presque bilingue. Et un grand merci aussi pour le privilège de repartir avec ce souvenir : s’être fait virée pour faire tomber ses cerises trop lourdement dans son panier, ce n’est pas donné à tout le monde.

Dans un élan de solidarité, Jérémie m’a suivie. Marine et Jérémie ont rejoint la rébellion en quittant le travail eux aussi, et en finissant de remplir mon panier que j’avais laissé en plan. (je leur en suis grandement reconnaissante au passage !) Nous avons donc pu quitter cette ferme en conservant quelques restes de dignité.

Du coup, on a mis le cap vers le sud de la Tasmanie, à moitié pour changer d’air, à moitié pour prendre le pouls des possibilités de boulot dans le coin.
On pourrait vous faire croire que traverser la Tasmanie du nord au sud est une expédition aventurière et périlleuse, mais celle-ci ne dure que 3 heures, et sur des routes très correctes.


Petit arrêt dans le village historique de Richmond. Ci-dessus, son pont, historique lui aussi : le plus vieux d'Australie. 

Les possibilités de boulot dans le coin n’étant pas très nombreuses, on a donc décidé de profiter enfin des paysages de la Tasmanie.

Première excursion : la Tasman Peninsula, ses falaises et ses eaux turquoise.

 



A la base, on est surtout allé sur la péninsule pour « visiter » Port-Arthur. Port-Arthur est devenu en 1830 un  centre de pénitenciers où des prisonniers récidivistes purgeaient leur peine et étaient soumis à des travaux forcés.
C’est donc une ville hantée par le passé qui attire chaque année de nombreux touristes.  Pour tout avouer, je ne suis pas extrêmement à l’aise avec cette idée d’un tourisme attiré par ce côté lugubre, même si j’en suis d’une certaine façon partie prenante.
Je n’ai pas eu l’occasion d’approfondir ce questionnement. Notre visite de Port-Arthur s’est arrêtée aux billetteries des portes de la ville.  L’entrée était trop chère pour nos porte-monnaie, ou alors, on préférait mettre cette somme ailleurs, à tort ou à raison.

Après ce semi-échec, nous nous sommes rendus dans un bar, plutôt fréquenté par des locaux, où l’ambiance est devenue assez surréaliste. Après nous avoir servi nos bières, la serveuse nous a fait signe de nous taire pour la minute de silence qui allait suivre, en l’honneur des vétérans de guerre, du Vietnam, de ce que j’ai compris.  Ok… juste que ça surprend un peu.

La minute de silence passée, tout le monde est retourné à ses bières et nous nous sommes installés sur la terrasse du bar, face à la mer. Un Australien un peu enivré est alors venu s’asseoir auprès de nous, nous parlant de choses et d’autres avant de nous indiquer un endroit sympa où on pourrait passer la nuit, à quelques kilomètres de là. Il nous a tracé un plan pour s’assurer qu’on avait bien compris. On était à la fois intéressé et en même temps, on doit avouer qu’une idée nous a quand même tous furtivement traversé l’esprit : « et si c’est un endroit paumé, et qu’il veut juste s’assurer qu’on y passe bien la nuit dans je ne sais quelles intentions ». 
Bon, j’ai très très honte d’avoir pensé ça. Nous avons finalement suivi les indications qu’on nous avait données, et nous sommes arrivés dans un superbe endroit : un camping au bord d’un très beau lagon.



Visiblement, l’endroit n’était pas si paumé que ça et connaissait même une certaine renommée, à voir les gens autour de nous.  A la tombée de la nuit, de nouveaux occupants ont envahi les lieux. 


Nous sommes finalement repartis de ce petit coin de tranquillité pour aller sur Hobart, la capitale de la Tasmanie, découvrir la ville et fêter l’anniversaire de Jérémie, pour ses déjà 29 ans.

Arrivés le samedi, nous avons déambulé dans la ville, avant de nous mettre à la recherche d’un resto pour le soir. On a fini dans un restaurant népalais, très bon mais très épicé, où Jérémie a eu droit à un sublime gâteau d’anniversaire, comme vous pouvez le voir. 



Pour l'occasion, on s’est mis aux horaires australiennes, ce qui veut dire qu’on est sorti du resto à l’heure où on y arriverait en France. Très bonne petite soirée en tout cas !

Le lendemain, c’était l’Australia Day, la fête nationale d’ici. L’Australia Day commémore le 26 janvier l’arrivée des européens dans la baie de Sydney en 1788.  Pour l’occasion, des manifestations sont organisées un peu partout dans le pays ce jour-là sous différentes formes : compétitions sportives, barbecues, concerts, barbecues, feux d’artifice, barbecues… en plus des cérémonies d’usage. Pour en savoir un peu plus sur les fondements de l’Australia Day, j’ai fouillé un peu partout sur des sites et j’ai trouvé ça :

La fête nationale australienne est également un jour important pour la reconnaissance du rôle des indigènes australiens dans l'histoire de notre nation, l'occasion pour nous de prôner compréhension, respect et réconciliation. 

Hum… oui, oui, peut-être, même si je doute qu’on ait demandé leurs avis aux indigènes en question. Dans tous les cas, le côté festif de cette journée est contre-balancé par le fait que l’Australia Day est aussi surnommé Invasion Day. Un Day of Mourning (jour du deuil) fut aussi organisé le jour de la célébration des 150 ans de l’arrivée des européens à Sydney.
Pour en revenir à notre histoire, nous avons quitté Hobart le lundi. On s’est mis en tête de se donner une dernière journée pour chercher un boulot.

Et bien, ça a été très très facile.

Première ferme à laquelle nous arrivons, le mec nous dit que c’est ok, et nous demande de revenir tous les 4 le lendemain, à 7 heures du matin. Il ne nous parle ni de paye ni de rien du tout, nous dit que le point de rendez-vous serait par contre ailleurs, « overthere »… On n’a pas compris où on se retrouverait exactement, on n’a pas vraiment eu le temps de lui demander plus de précisions vu qu’il a dû nous accorder une minute grand maximum. On a donc prévu de revenir en avance le lendemain. 
Et là, on a réussi un nouvel exploit : se faire virer avant même d’avoir commencé à travailler ! (le « overthere » nous aura été fatal ! )
Nous sommes partis nous remettre de tout ça en passant quelques jours sur Bruny Island, au sud de la Tasmanie. Encore une fois, des superbes plages, de l’eau azur…ça devient presque habituel !



 

                                                   Great bay 


Cette baie offre des possibilités d'activités infinies pour les Jérémie, partis à la recherche de bêbêtes...



Pokécrabe contre Pokétoiledemer (pour piquer les mots de Marine ! ) 


Point de vue sur le Neck 


Petite mousse en fin de journée 







Les plages aux alentours d'Adventure Bay 

Au final, très bons moments sur Bruny Island, mais quelques petits bémols quand même.
Comme cette rando pout atteindre le mont le plus haut de l’île, supposée nous amener à un super point de vue. Voilà le point de vue en question :


Ca aurait certainement pu être très beau, loin de nous l'idée de prôner le contraire. Il faut juste faire quelques efforts pour imaginer la vue en faisant abstraction des arbres devant qui la cachent. 


On a aussi légèrement souffert sur l'île en parcourant de nombreuses « dirt », ces routes non goudronnées, très fréquentes en Tasmanie, options bosses, trous et quelques passages méga dangereux en supplément.

Malgré ces petits bémols, on a bien profité de ces trois jours sur Bruny, sous un grand soleil… Et petit bonus avant de repartir, sur l’île, il y avait un truc de rêve pour les Français que nous sommes : une fromagerie !



Du vrai pain et du vrai fromage ! On était obligé de s’y arrêter. Depuis le temps qu’on tourne au pain de mie, et au fromage un peu aseptisé… Là, on a pu tout goûter et on a opté pour le plus fort. (moyennant quelques deniers…)
On a ensuite repris le ferry en direction du continent, enfin de la Tasmanie. Cette fois-ci, après une petite escale tous ensemble à Cockle Creek, on est repartis tous seuls de notre côté, sans Marine et Jérémie et leur petite little red wagon. Mais je suis sûre qu’on devrait se recroiser très bientôt !



Cockle Creek 

En attendant, on continue d’explorer la Tasmanie, ses plages, ses forêts et ses parcs nationaux. Compte-rendu au prochain article ! 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire