On avait arrêté le dernier article, alors, que, tout
fraîchement débarqués en Tasmanie, se posait une question assez récurrente pour
des backpackers : allions-nous y trouver du boulot ?
Le ferry que nous avons pris pour venir ici
Tout le monde nous avait déconseillé de venir ici à cette
période, parce que la concurrence y est trop rude pendant l’été. En même temps,
il y fait un peu froid le reste du temps. Et si vous pouvez passer un an dans
un pays en vous arrangeant pour avoir tout le temps du soleil, je vous garantis
que vous revoyez votre itinéraire à plusieurs fois pour être à peu près sûr
d’être bronzé toute l’année. Et puis, passer l’été en Tasmanie, c’est aussi
éviter les grosses canicules un peu partout ailleurs.
On n’a pas étudié la question trop longtemps pour dire vrai.
On s’est dit, que, si on ne trouvait pas de boulot, ce n’était pas très grave,
on visiterait avant de rentrer sur le main land (enfin, le reste de l’Australie
quoi).
Au final, à peine le temps de poser nos valises –c’est une
image, à peine le temps de poser nos véhicules conviendrait mieux- et de passer
quelques coups de fil qu’une ferme nous attendait dans le nord de la Tasmanie.
Une ferme à cerises, pour changer. On aura au moins fait
durer la saison des cerises au maximum avant de se résigner à l’idée qu’il
faudrait un jour passer à autre chose.
Rdv donc trois jours après notre arrivée sur l’île pour une
« induction ». L’induction, c’est le terme qui en gros veut
dire : on vous prend pour des cons, pas capables de penser aux trucs
élémentaires tels que « quelle tenue dois-je porter pour travailler dans
les champs » « faut-il mieux mettre de la crème solaire ou emporter
son parapluie dans les cerisiers les jours où il fait trop chaud »… ce
genre de trucs, qui, d’après les gérants de la ferme, nécessitent que tu te
pointes deux jours avant que la cueillette ne commence. Tout est fait pour bien
te faire comprendre que seuls les initiés passés par l’induction sont autorisés
à mettre un pied dans les champs. On vous rappelle par exemple, au cas où
vraiment vous soyez très très cons, qu’il est formellement interdit d’embarquer
de votre propre initiative enfants, frères ou sœurs pour vous aider à remplir
vos paniers. Seules les personnes ayant reçues l’induction sont autorisées à
pénétrer dans le sanctuaire des cerisiers.
Je vous passerai les détails techniques sur les cerises,
vous commencez à connaître.
Par contre, les pratiques des superviseurs de cette ferme
restent encore pour moi très inspirantes pour ce blog… A chaque ferme ses
mœurs. Après avoir bossé dans des fermes à escrocs, puis dans des fermes super cool
ambiance colonie de vacances, nouveau style, on est arrivé dans la ferme-armée.
Premier jour, 5 heures 25 du matin. 100 travailleurs prêts à
en découdre avec les cerises. Big boss nous rassemble tous, nous fait son petit
speech de bienvenue et nous fait répartir en plusieurs groupes. Chaque groupe
est géré par un superviseur. Déjà,
c’était la première fois qu’on allait se retrouver en permanence avec un superviseur
sur le dos. Ca risquait de nous
perturber dans nos petites habitudes. On sentait bien qu’une nouvelle ère
s’ouvrait. La musique à fond dans les champs, les batailles de cerises, les
concours de chant, les mille et une techniques pour faire croire qu’on était
parfaitement passé partout dans l’arbre et qu’on n’avait oublié aucune cerise…
On sentait bien que tout ça appartenait au passé. On a tout de suite su qu’avec
notre superviseur, ça n’allait pas être ambiance grosse marrade.
Premier fait d’œuvre :
nous faire tous aligner pour vérifier qu’on avait bien coupé nos ongles comme
demandé lors de l’induction. Ca augurait bien pour la suite…
Vu qu’on avait tout le temps quelqu’un sur le dos, plus
possible de se faire des séances photos dans les arbres. Du coup, j’illustre
cette partie de l’article avec la seule photo de cerises que j’ai sous la main.
Il s’agit des cerises qui nous servent de désodorisant dans le van, ce qui n’a
aucun rapport, j’en conviens. En plus, pour être honnête, la fragrance n’est
franchement pas terrible.
Dans cette ferme, toute l’équipe d’encadrement semblait
n’avoir qu’une mission : feindre d’avoir de l’autorité pour ne pas se
laisser marcher dessus par les backpackers. Pour ça, les superviseurs passaient
leur temps à nous menacer de nous mettre des avertissements pour tout et
n’importe quoi et de nous virer au bout de trois avertissements : si
on remplissait nos paniers de cerises pas assez mûres, ou alors si on avait
trop de cerises abîmées sur le lot, si on oubliait de détacher deux cerises
accrochées l’une à l’autre… Je crois
qu’ils nous prenaient pour des gamins à éduquer.
Tout ce qui permettait d’aller vite et donc de faire plein
de paniers était strictement prohibé. Il ne fallait pas se contenter de jeter
un coup d’œil rapide à la cerise qu’on venait de détacher, mais vérifier si sa
couleur était conforme avant de la tourner dans tous les sens pour vérifier
qu’elle n’ait aucun défaut…
Pour qu’on comprenne bien que ça rigolait pas, ils ont même
affecté une personne chargée exclusivement de vérifier nos paniers devant nous,
avec des tâches très précises :
noter le nombre exactes de cerises abîmées / pas détachées / trop rouges … de
chaque panier contrôlé et faire des stats sur ça. Honnêtement, j’étais surtout très
peinée pour cette personne. Etre obligé de faire CA ?? Toute la
journée !
Les journées s’écoulaient donc dans cette ambiance des plus
harmonieuses. Pour en rajouter une couche, chaque jour, à 5H30, 9H15 et 12H30
précises, nous avions droit au discours du big boss, le même discours répété
inlassablement trois fois par jour. Un mélange de fausses félicitations pour
les tonnes que nous avions ramassées la veille et de rappel des règles, toujours
les mêmes, au cas où on les aurait oubliées en route.
Pour vous montrer un peu la haute estime et la confiance
qu’ils avaient en nous, petite photo d’un texte trouvé sur la ferme.
Quoiqu’il en soit, on gagnait tout de même pas mal de sous,
on a réussi à aller de plus en plus vite et se rapprocher des meilleurs. Tout
allait donc pour le mieux malgré les quelques légères réserves mentionnées au-dessus.
On se disait que toute leur histoire d’avertissements n’était que du vent, que
jamais ils ne vireraient quelqu’un pour de vrai (ah ah !!)
Et bien, avant dernier jour de travail, 7 heures du matin. Le superviseur me fixe
bizarrement depuis un moment avant de s’avancer vers moi. « Dis moi, tu
fais tomber tes cerises trop lourdement dans ton panier. Ca fait 3 fois que je
te le dis. Tu es virée. » Là, je crois que j’étais partagée entre l’envie
de rire et de pleurer.
Je n'ai pas réussi à avoir un avis tranché sur l'attitude à adopter, mais ce n'est pas très grave, vu que j’ai pu réaliser un énorme fantasme :
prononcer en contexte la phrase « What ? Are you kidding
me ? »
Je remercierai le superviseur pour ça, jusqu’à la fin de mes
jours. Des années que j’entends cette phrase dans toutes les séries en VO qui
me passent sous la main, des années que je rêve de ce moment où je pourrais à
mon tour la prononcer. Un peu comme si,
ce jour-là, je me sentirais presque bilingue. Et un grand merci aussi pour le
privilège de repartir avec ce souvenir : s’être fait virée pour faire tomber
ses cerises trop lourdement dans son panier, ce n’est pas donné à tout le
monde.
Dans un élan de solidarité, Jérémie m’a suivie. Marine et
Jérémie ont rejoint la rébellion en quittant le travail eux aussi, et en
finissant de remplir mon panier que j’avais laissé en plan. (je leur en suis
grandement reconnaissante au passage !) Nous avons donc pu quitter cette
ferme en conservant quelques restes de dignité.
Du coup, on a mis le cap vers le sud de la Tasmanie, à
moitié pour changer d’air, à moitié pour prendre le pouls des possibilités de
boulot dans le coin.
On pourrait vous faire croire que traverser la Tasmanie du
nord au sud est une expédition aventurière et périlleuse, mais celle-ci ne dure que
3 heures, et sur des routes très correctes.
Petit arrêt dans le village historique de Richmond. Ci-dessus, son pont, historique lui aussi : le plus vieux d'Australie.
Les possibilités de boulot dans le coin n’étant pas très
nombreuses, on a donc décidé de profiter enfin des paysages de la Tasmanie.
Première excursion : la Tasman Peninsula, ses falaises et ses
eaux turquoise.
A la base, on est surtout allé sur la péninsule pour
« visiter » Port-Arthur. Port-Arthur est devenu en 1830 un centre de pénitenciers où des prisonniers
récidivistes purgeaient leur peine et étaient soumis à des travaux forcés.
C’est donc une ville hantée par le passé qui attire chaque
année de nombreux touristes. Pour tout
avouer, je ne suis pas extrêmement à l’aise avec cette idée d’un tourisme
attiré par ce côté lugubre, même si j’en suis d’une certaine façon partie
prenante.
Je n’ai pas eu l’occasion d’approfondir ce questionnement.
Notre visite de Port-Arthur s’est arrêtée aux billetteries des portes de la
ville. L’entrée était trop chère pour
nos porte-monnaie, ou alors, on préférait mettre cette somme ailleurs, à tort
ou à raison.
Après ce semi-échec, nous nous sommes rendus dans un bar,
plutôt fréquenté par des locaux, où l’ambiance est devenue assez surréaliste.
Après nous avoir servi nos bières, la serveuse nous a fait signe de nous taire
pour la minute de silence qui allait suivre, en l’honneur des vétérans de
guerre, du Vietnam, de ce que j’ai compris. Ok… juste que ça surprend un
peu.
La minute de silence passée, tout le monde est retourné à
ses bières et nous nous sommes installés sur la terrasse du bar, face à la mer.
Un Australien un peu enivré est alors venu s’asseoir auprès de nous, nous
parlant de choses et d’autres avant de nous indiquer un endroit sympa où on
pourrait passer la nuit, à quelques kilomètres de là. Il nous a tracé un
plan pour s’assurer qu’on avait bien compris. On était à la fois intéressé et
en même temps, on doit avouer qu’une idée nous a quand même tous furtivement
traversé l’esprit : « et si c’est un endroit paumé, et qu’il veut
juste s’assurer qu’on y passe bien la nuit dans je ne sais quelles
intentions ».
Bon, j’ai très très honte d’avoir pensé ça. Nous avons
finalement suivi les indications qu’on nous avait données, et nous sommes
arrivés dans un superbe endroit : un camping au bord d’un très beau lagon.
Visiblement,
l’endroit n’était pas si paumé que ça et connaissait même une certaine
renommée, à voir les gens autour de nous.
A la tombée de la nuit, de nouveaux occupants ont envahi les lieux.
Nous sommes finalement repartis de ce petit coin de
tranquillité pour aller sur Hobart, la capitale de la Tasmanie, découvrir la
ville et fêter l’anniversaire de Jérémie, pour ses déjà 29 ans.
Arrivés le samedi, nous avons déambulé dans la ville, avant de nous mettre
à la recherche d’un resto pour le soir. On a fini dans un restaurant népalais,
très bon mais très épicé, où Jérémie a eu droit à un sublime gâteau
d’anniversaire, comme vous pouvez le voir.
Pour l'occasion, on s’est mis aux horaires australiennes, ce qui veut dire qu’on
est sorti du resto à l’heure où on y arriverait en France. Très bonne petite
soirée en tout cas !
Le lendemain, c’était l’Australia Day, la fête nationale
d’ici. L’Australia Day commémore le 26 janvier l’arrivée des européens dans la
baie de Sydney en 1788. Pour l’occasion,
des manifestations sont organisées un peu partout dans le pays ce jour-là sous
différentes formes : compétitions sportives, barbecues, concerts,
barbecues, feux d’artifice, barbecues… en plus des cérémonies d’usage. Pour en
savoir un peu plus sur les fondements de l’Australia Day, j’ai fouillé un peu
partout sur des sites et j’ai trouvé ça :
La fête nationale australienne est également un jour important pour la reconnaissance du rôle des indigènes australiens dans l'histoire de notre nation, l'occasion pour nous de prôner compréhension, respect et réconciliation.
Hum… oui, oui, peut-être, même si je doute qu’on ait demandé leurs avis aux indigènes en question. Dans tous les cas, le côté festif de cette journée est contre-balancé par le fait que l’Australia Day est aussi surnommé Invasion Day. Un Day of Mourning (jour du deuil) fut aussi organisé le jour de la célébration des 150 ans de l’arrivée des européens à Sydney.
Pour en revenir à notre histoire, nous avons quitté Hobart le lundi. On s’est mis en tête de se donner une dernière journée pour chercher un boulot.
Et bien, ça a été très très facile.
Première ferme à laquelle nous arrivons, le mec nous dit que c’est ok, et nous demande de revenir tous les 4 le lendemain, à 7 heures du matin. Il ne nous parle ni de paye ni de rien du tout, nous dit que le point de rendez-vous serait par contre ailleurs, « overthere »… On n’a pas compris où on se retrouverait exactement, on n’a pas vraiment eu le temps de lui demander plus de précisions vu qu’il a dû nous accorder une minute grand maximum. On a donc prévu de revenir en avance le lendemain.
Et bien, ça a été très très facile.
Première ferme à laquelle nous arrivons, le mec nous dit que c’est ok, et nous demande de revenir tous les 4 le lendemain, à 7 heures du matin. Il ne nous parle ni de paye ni de rien du tout, nous dit que le point de rendez-vous serait par contre ailleurs, « overthere »… On n’a pas compris où on se retrouverait exactement, on n’a pas vraiment eu le temps de lui demander plus de précisions vu qu’il a dû nous accorder une minute grand maximum. On a donc prévu de revenir en avance le lendemain.
Et là, on a réussi un nouvel exploit : se faire virer avant même d’avoir commencé à travailler ! (le « overthere » nous aura été fatal ! )
Nous sommes partis nous remettre de tout ça en passant quelques jours sur Bruny Island, au sud de la Tasmanie. Encore une fois, des superbes plages, de l’eau azur…ça devient presque habituel !
Great bay
Cette baie offre des possibilités d'activités infinies pour les Jérémie, partis à la recherche de bêbêtes...
Pokécrabe contre Pokétoiledemer (pour piquer les mots de Marine ! )
Point de vue sur le Neck
Petite mousse en fin de journée
Les plages aux alentours d'Adventure Bay
Au final, très bons moments sur Bruny Island, mais quelques petits bémols quand même.
Comme cette rando pout atteindre le mont le plus haut de l’île, supposée nous amener à un super point de vue. Voilà le point de vue en question :
Ca aurait certainement pu être très beau, loin de nous l'idée de prôner le contraire. Il faut juste faire quelques efforts pour imaginer la vue en faisant abstraction des arbres devant qui la cachent.
On a aussi légèrement souffert sur l'île en parcourant de nombreuses « dirt », ces routes non goudronnées, très fréquentes en Tasmanie, options bosses, trous et quelques passages méga dangereux en supplément.
Malgré ces petits bémols, on a bien profité de ces trois jours sur Bruny, sous un grand soleil… Et petit bonus avant de repartir, sur l’île, il y avait un truc de rêve pour les Français que nous sommes : une fromagerie !
Du vrai pain et du vrai fromage ! On était obligé de s’y arrêter. Depuis le temps qu’on tourne au pain de mie, et au fromage un peu aseptisé… Là, on a pu tout goûter et on a opté pour le plus fort. (moyennant quelques deniers…)
On a ensuite repris le ferry en direction du continent, enfin de la Tasmanie. Cette fois-ci, après une petite escale tous ensemble à Cockle Creek, on est repartis tous seuls de notre côté, sans Marine et Jérémie et leur petite little red wagon. Mais je suis sûre qu’on devrait se recroiser très bientôt !
Cockle Creek
En attendant, on continue d’explorer la Tasmanie, ses plages, ses forêts et ses parcs nationaux. Compte-rendu au prochain article !
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